Maltraitance, comment la déceler pour un néophyte

Considérations d’une non initiée à la psychologie infantile sur la difficulté de détermination de la maltraitance infantile et les pistes qui pourraient permettre de déceler son existence au sein d’une famille

 

6 septembre 2010

Les magistrats français se penchant sur le cas de la fixation de la résidence des enfants en cas de désaccord des parents ne sont pas rompus à l’exercice quand ils se trouvent devant des cas psychologiquement difficiles. En effet, dans un cas de maltraitance, force est de constater que les juges ne disposent pas de l’entraînement nécessaire pour pouvoir identifier eux-mêmes l’existence de maltraitance dans le dossier qui leur est soumis.

Cet examen est d’autant plus ardu que n’est pas abusif qui le veut bien. Il se peut, en effet, que le parent abusif ne se rende même pas compte d’être abusif et pense simplement agir pour le bien de sa famille. Il peut arriver qu’il mette sa maltraitance sur l’énervement du moment, se consolant du fait que l’enfant abusé l’aime encore et que ce n’était donc pas si grave. La découverte de la maltraitance est d’autant plus difficile si on ne prête pas suffisamment attention au témoignage des enfants et si on se laisse berner par l’apparente affabilité du parent abusif.

Les cas les plus extrêmes, des enfants abusés qui finissent à l’hôpital, ne permettent pas au parent abusif de garder cette quiétude d’esprit. Mais tant que l’abus n’est « que » verbal, « que » moral, « léger » en étant physique, personne vivant dans l’environnement du parent abusif ne pense qu’il est utile d’en tenir compte et il se sent donc conforté dans l’opinion que ce qu’il fait n’est pas bien grave. Il peut même être tenté de donner à son abus une qualification d’éducation et d’enseignement.

L’abus verbal peut comprendre une ou plusieurs des phrases suivantes : « tu es nul », « tu n’arriveras jamais à rien », « tu es un incapable », etc.

L’abus moral, quant à lui peut comprendre une contrainte, une absence d’écoute, un mépris affiché pour l’enfant, un parent qui interrompt l’enfant et lui fait comprendre que son avis ne compte pas, un parent qui indique que l’enfant ne comprend rien, une négligence des besoins de base de l’enfant, etc.

L’abus physique “léger” se manifeste avec des excuses dans le genre « une gifle ce n’est rien du tout », « je lui ai juste tordu le bras pour qu’il se tienne tranquille », « je lui ai serré très fort la main pour qu’il ne s’en aille pas », « arrête, il n’a rien senti », « j’étais obligé de l’attraper par le cou car on n’avait pas de temps à perdre ». La liste des sévices corporels est longue et va des faits considérés acceptables par la plupart aux débordements plus graves comme secouer très fort son enfant, le pousser violemment contre le mur ou lui broyer le genou ou l’épaule entre ses mains.

Plusieurs types de raisons peuvent pousser des parents à devenir des parents abusifs :

–          Ceux qui ont été abusés eux-mêmes et qui ne connaissent pas d’alternative à ce comportement

–          Ceux qui ont une pulsion pour faire du mal (cas extrême psychologique)

–          Ceux qui se laissent emporter par le stress du moment et se sentent légitimés dans leur emportement par le mantra auto-inoculé du « je ne pouvais pas faire autrement » ou «c’est lui/elle qui l’a cherché », « on n’avait pas le temps pour que je l’arrête autrement ».

Si l’on accepte qu’il est difficile pour un magistrat de s’improviser psychologue diplômé et de connaître les divers types de parent abusif, il y a lieu de se demander malgré tout, si le stress dans la vie d’un parent ne devrait pas être un facteur déterminant d’examen approfondi de la situation familiale. En effet, si objectivement toutes les conditions sont réunies pour engendrer un stress permanent et croissant, il est utile d’effectuer une analyse psychologique plus poussée de la situation, surtout en présence de mots-clés des enfants dans leur témoignage (colère, négligence, etc.).

Avant cet examen approfondi et dans le cas d’un doute sur l’existence d’une situation d’abus, le magistrat doit être formé à reconnaître les signes clairs de la possibilité d’existence d’un parent abusif afin de demander (si nécessaire) un examen psychologique plus poussé. Ces signes sont, essentiellement les suivants :

1)    Le témoignage de l’enfant quant à la négligence du parent ou à de possibles comportements empreints de violence. Un témoignage qui recèlerait le moindre indice d’une telle réalité – quoi que soient les expressions infantiles employées – doit être entendu à la lumière de cette possibilité et donner suite à une évaluation psychologique aussi bien de l’enfant que du parent concerné

2)    Des traits de caractère spécifiques à un parent abusif :

–          Élevé dans un environnement de parents divorcés ou connaissant des difficultés; n’a pas eu un modèle de parents normaux

–          Ment, manipule la vérité facilement

–          Avance des accusations contre l’autre parent sans aucun fondement et s’acharne à détruire toute velléité de résistance chez l’enfant

–          Ridiculise chaque tentative de l’enfant pour s’exprimer que ce soit directement ou indirectement

–          Ne laisse pas la place à l’opinion de l’enfant

–          Est persuadé que sa manière de voir est la seule vérité

–          Isole la personne abusée des autres et surtout de l’autre parent

–          Ne respecte pas le droit des autres et surtout ceux de l’enfant abusé

–          Est convaincu que ce sont les autres qui font tout contre lui et fait de la projection de ses propres défauts sur l’autre parent et/ou sur l’enfant abusé

–          Rejette la faute de ses comportements sur l’enfant abusé ou d’autres personnes dans la famille

–          A de la difficulté à se maîtriser quand l’enfant abusé résiste à ses demandes

3)    Un état de mutisme ou d’agressivité chez l’enfant abusé

4)    Un sentiment de dévalorisation permanente émanant de l’enfant que ce soit dans la manière de se tenir (un maintien peu assuré – à ne pas confondre avec la timidité, une attitude recroquevillée, etc.) ou dans celle de s’exprimer (élocution peu claire, peur, évitement du contact des yeux – qu’il ne faut pas confondre avec l’évitement naissant du mensonge, etc.)

De nos jours, la justice française est débordée, les services sociaux sont trop sollicités pour des cas extrêmes d’abus et on en oublie donc les enfants qui subissent une maltraitance « légère ».

Seulement voilà, il y a lieu de comprendre une fois pour toutes, du haut de notre cynisme blasé, que dans le monde des enfants il n’y a ni souffrance plus méritante ni palier acceptable de douleur.

 

2 thoughts on “Maltraitance, comment la déceler pour un néophyte

    • Bonjour Maryse et merci du lien. Il y a effectivement des articles et liens très intéressants. Je n’ai pas encore tout lu mais espère qu’il y a aussi des sections qui indiquent comment procéder pour faire évoluer et redonner confiance à des enfants en bas âge qui ont été victimes de maltraitances.

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